Il y’a une huitaine de jours, M ; Pierre Bastide passa nous rendre visite lors de notre informelle conférence de rédaction de Montesquiou. Info. Conférence de rédaction, c’est un bien grand mot. Faut pas exagérer. Disons qu’on se rencontre de temps à autre au bureau, à deux ou à trois, à l’impromptu presque. Ce jour-là, devant la porte vitrée, nous blaguassions de la pluie qui menaçait : « Lorsque les Pyrénées sont dégagées, qu’elles se découpent si finement tracées dans un ciel clair, c’est que le mauvais temps arrive », finit par conclure Georges de sa naturelle terrasse reconvertie en observatoire, en fin observateur des phénomènes météorologiques post-açoriens.

Poisson 2015

Nous allions nous séparer lorsque Pierre Bastide nous apercevant se dirigea vers nous.

Pierre s’est installé à Montesquiou il y’a une douzaine d’années. Nous le connaissions tous. Ce gersois, ancien ingénieur de l’aviation civile, Centrale et X, coule des jours tranquilles dans sa belle demeure qui s’ouvre sur une vaste étendue de prés, de bois et de bocages, entre Montesquiou et Castelnau.

Pas si tranquilles que ça, nous pensions, en écoutant ce qu’il nous racontait. Il sortait de la Gendarmerie où il avait passé une bonne partie de la matinée et il tenait à livrer la priorité de ce qui lui était arrivé à Montesquiou.Info, le seul organe ultra-local d’informations locales. C’est ce qu’il nous dit, à notre grande et modeste satisfaction… Ce qui nous rendit fiers comme des chars à bancs, comme disait Coluche. Un petit compliment, en passant, ça fait toujours plaisir. N’est-ce pas ?

 

Voici son histoire. On l’aura deviné. Pierre Bastide est un scientifique de haut vol. A la retraite, il aménagea un atelier laboratoire hyper perfectionné dans une des larges granges attenantes au corps principal de son habitation. Dès lors, il se consacra à son activité préférée, la fabrication de drones. Technologie à l’époque confidentielle pour le grand public, elle ne l’était pas pour l’ingénieur qui avait travaillé chez Flytoxsystem, dans la Silicone Valley, jusqu’en 2001. Il ne s’agissait pas là d’un passe-temps, d’un simple hobby. En une dizaine d’années, il déposa huit brevets, développant des applications techniques telles que la cartographie, la photogrammétrie, la thermographie, la recherche agronomique.

C’est au cours des essais de sa dernière création, un drone quadrirotor capable de détecter certains composés organiques contenus dans le sol, que l’incident         - l’accident ? - se produisit.

Laissons la parole à Pierre Bastide. « Donc hier matin, sur le coup de 9 heures, j’effectuais quelques réglages sur mon dernier né, un quadrirotor à infrarouges capable de déceler à plusieurs centaines de mètres les traces de mycélium enfouies dans le sol.

« Du mycélium ? » nous dûmes nous exclamer ensemble, un peu esbaudi.

« Oui, du mycélium, ce fameux mycélium qui donne naissance à ce que l’on appelle les ronds de sorcières.  Vous connaissez » ?

« Qui de nous ne connait  les mousserons ! Mais c’est bien faute de n’en avoir jamais trop gouté », dit Georges.

« Oui, des mousserons. Je voudrais établir une cartographie de toutes les mousseronières, du canton pour commencer. Une fois au point, je déposerai un brevet. »

« L’entreprise n’est pas sans risque !», dit l’un de nous.

Pierre Bastide ne releva pas l’objection. Il poursuivit.

« Tout était nickel. L’engin se comportait parfaitement dans les lacets. A deux cents mètres environ, le drone longeait la ligne des cimes des peupliers qui suivent le ruisseau. Dans le silence froid de la campagne encore assoupie on n’entendait que le bourdonnement régulier de grosse abeille de l’engin. De mon boitier, je contrôlais tous les mouvements et la bonne marche des capteurs. Tout était OK.

Soudain, le drone tel un gros insecte foudroyé par un invisible éclair s’immobilisa. Et d’un coup il dégringola en tournoyant comme une gigantesque araignée à qui on aurait arraché les pattes. La chute précéda le bruit du coup de fusil.

C’est pas possible. On n’a pas pu le prendre pour une palombe. Bon sang de bon sang, c’est pas un pigeon. Un drone, c’est pas un p….. d’oiseau. C’est pas un ball-trap, ici. Ils sont quand même pas miros les chasseurs. Faut les envoyer voir un ophtalmo !

J’étais vraiment en colère. Je scrutai vainement les alentours. Nada. Personne. Pas un mouvement. Pas un bruit. Le drone gisait là à mes pieds, dézingué. HS. Seule une des petites hélices tournait lentement sur son axe.

Je décidai de porter plainte contre X, à la Gendarmerie. »

« Ah ! Les mousserons, c’est pas sans danger. », Ernest. Et de rajouter: «  La prochaine fois, vous devriez fabriquer un engin qui renifle les truffes. Dans le coin y’a moins de risques.

A. D. L.